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virginiland

Prendre le temps d'être lent

Ma fille est lente. Soit. Je la connais depuis près de quinze ans maintenant, rien de nouveau donc pour moi. Je sais qu'elle a besoin de temps, de pouvoir prendre son temps, d'observer. Elle fonctionne ainsi depuis toujours et, même si j'ai eu quelques doutes à certains moments, je ne m'étais jamais inquiétée pour ce « trait de caractère ».






Je me souviens de vacances d'été il y a quelques années. Elle a huit ans. Le dernier jour avant le départ, nous sommes installées dans un café pour écrire quelques cartes postales avant de prendre la route. J'ai déjà terminé les miennes qu'elle n'a pas encore commencé la première. Vacances d'été toujours. 2020. Nous faisons route vers Barcelone, elle décide d'écrire une lettre à sa meilleure amie après une première semaine passée dans le Lot-et-Garonne. Elle y passe la quasi totalité de l'après-midi, après avoir pris le temps de rédiger soigneusement un brouillon.


Quelques mois plus tôt, en plein confinement. Elle est en CM2 et passe chaque jour près de six heures à faire ses devoirs. Les choses finissent par se décanter et les élèves peuvent retourner en classe sous certaines conditions. J'en profite pour interroger son maître, perplexe quant au temps journalier qu'elle consacre à son travail scolaire. Surpris, il me confirme que non, elle ne devrait pas y passer autant de temps.


Et puis, septembre 2020. Le collège, l'entrée en 6ème. Et la claque, le choc, la descente. Elle est dépassée, elle n'y arrive pas malgré sa volonté. Elle est submergée et ne parvient pas à suivre le rythme. La pression est énorme, l'anxiété hors-norme. Elle implose.


Il faudra attendre une autre rentrée et plusieurs mois pour comprendre et mettre un mot sur ce que l'on qualifiait jusque-là de trait de personnalité : Sluggish Cognitive Tempo (SCT), ou Trouble cognitif lent. La neuropédiatre qui la suit, mais qui ne l'a rencontrée qu'une seule fois à cette époque, assiste un jour à une conférence sur ce trouble encore trop méconnu. Et qui pourrait pourtant correspondre, selon l'hypnothérapeute qui l'accompagne également, « à tant de jeunes en souffrance ». Elle pense immédiatement à elle et nous contacte rapidement pour nous faire part de sa conviction.


Quel soulagement de comprendre, enfin, pourquoi... Et d'essayer désormais de lui offrir les outils pour dépasser ce « handicap ».


Car oui, la lenteur de ma fille, sa tendance à être dans sa bulle, à rêver plutôt qu'être dans l'action, est aujourd'hui considérée comme un handicap aux yeux de la société. Raison pour laquelle j'ai déposé il y a quelques mois une demande de reconnaissance MDPH, afin de lui permettre d'évoluer dans un cadre adapté pour la poursuite de sa scolarité, quand elle retournera à l'école, et plus tard pour son entrée dans la vie active.


Ma fille est lente, certes, mais elle est aussi... sensible, créative, intelligente, drôle, minutieuse. Et surtout, elle aussi arrivera à destination, quel que soit le temps qu'il lui faudra.

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